Pouvoir annoncer sa grossesse au premier trimestre
Ma première grossesse a été l’occasion de nombreuses réflexions sur la place dans notre société de cette période si particulière et pourtant si banale. (L’humanité n’en serait pas là si ses membres ne se reproduisaient pas, n’est-ce pas ?)
Parmi ces réflexions : pourquoi ce réflexe de taire la grossesse jusqu’à la fin du 3ème mois ? Quel est le véritable risque de fausse couche ?
« Enceinte ! Hip, hip, hip… chut ! »
C’est un concours de circonstances qui nous a menés, mon mari et moi, à nous poser ces questions. Nous avons confirmé la grossesse autour de 5 semaines. J’étais régulièrement fatiguée et nauséeuse et nous allions passer le week-end qui suivait avec ma famille. Dans une grande famille qui n’hésite pas à se chambrer, il semblait impossible de garder le secret pendant 48h. Nous avions aussi simplement envie de partager notre bonheur de cette joyeuse nouvelle avec le monde entier.
Seulement voilà, on vous dit et vous répète de ne pas en parler au début, par crainte de la fausse couche. A l’instant où l’on se trouve porteur d’une joie et d’un espoir immense… ceux-là mêmes se transforment en encombrant secret. Pourquoi ?
Pourquoi ne pas annoncer sa grossesse au premier trimestre ?
Nous avons donc cherché quels étaient les risques, les causes et les impacts de faire effectivement une fausse couche.
A la première recherche, ce qu’on trouve partout est : 15% des grossesses se soldent par une fausse couche. 1 grossesse sur 6, c’est effectivement important. Mais ce « 15% » agrège beaucoup de choses qui méritent d’être distinguées. C’est un article de Slate qui, le premier, nous a orientés.
Le véritable risque de fausse couche
En synthèse, voici ce que nos recherches nous ont permis de comprendre :
- 50% à 70% des ovules fécondés ne s’implantent pas. En l’absence de nidation, le processus hormonal qui interrompt le cycle menstruel n’a pas lieu. Ces ovules fécondés non-implantés sont alors évacués lors des règles suivantes, la grossesse n’a duré que quelques jours et n’a pas été remarquée.
- Selon une étude de 2008 par l’Université de Victoria, Australie, en l’absence de symptôme particulier et lorsque l’activité cardiaque de l’embryon a été confirmée à l’échographie, le taux de fausse couche en fonction de l’âge de la grossesse est de :
NB : si vous souhaitez en savoir plus sur les semaines d’aménorrhée, je les évoque en détail dans cet article à propos de l’âge gestationnel.
- La première cause de fausse couche (80-90% des cas selon les sources) est une anomalie génétique de l’embryon. Celui-ci ne serait pas viable même si la grossesse se prolongeait.
Nous n’avons pas attendu pour annoncer cette grossesse
Qu’en avons-nous conclu ? A ce stade de ma grossesse (près de 8 SA), la probabilité de faire une fausse couche n’était déjà plus que de 2-3% et si une fausse couche devait se produire, nous préférions avoir le soutien de nos plus proches. Nous avons donc décidé de partager la nouvelle immédiatement avec nos cercles les plus intimes, et au gré des occasions avec nos moins proches.
Choisir collectivement d’ignorer les débuts de grossesse et les fausses couches ?
Le silence qui entoure le premier trimestre de grossesse biaise la représentation des grossesses dans la société.
D’une part, les grossesses ne sont « publiques » que 6 mois sur 9. Un tiers des femmes enceintes / des futurs parents ne sont pas reconnus comme tels par la communauté qui les entoure. Quelle place fait-on collectivement à cette période de la vie quand on n’en reconnaît que les deux tiers ?
D’autre part, à passer sous silence ce qui se passe mal, on découvre cette part de la réalité au moment même de la vie où la grossesse devient souhaitable. On vivait dans le monde du « rapport non-protégé = risque de grossesse » et alors qu’on se lance dans les « essais bébé », on comprend que cela peut ne pas venir tout de suite, qu’une grossesse démarrée peut s’interrompre d’elle-même, etc.
Préparer activement un vécu difficile ?
Construire d’emblée une représentation nuancée des subtilités de concevoir un enfant permettrait sûrement d’aborder les « essais bébé » sereinement. Cela ne fonctionne pas toujours du premier coup et c’est normal. Cela permettrait d’éviter le ressenti de l’échec lorsqu’on « n’y arrive pas ». Pourquoi prendre le risque de vivre comme un échec ce sur quoi nous n’avons pas prise ?
Post-conception, si la fausse couche survient malheureusement, les futurs parents qui y sont confrontés se trouvent esseulés dans leur malheur. En effet, comment annoncer la fausse couche quand on n’a pas annoncé la grossesse ? Certains le vivront mieux dans l’intimité, d’autres pas. Et tous devraient en avoir le choix.
Ce qui est encore dérangeant dans cette omerta, c’est le fait de prendre une décision non pas sur des faits mais sur des craintes. On apprend aux enfants à faire face à leurs peurs. Pourquoi choisissons-nous de laisser la peur du potentiel malheur futur dominer la joie certaine du bonheur immédiat ?
Annoncer la grossesse… au moment pertinent pour les premiers concernés
N’avoir pas d’autre choix que de taire systématiquement la grossesse avant qu’elle ait atteint la fin du 3ème mois ne répond pas à la réalité scientifique du prétexte invoqué. A fortiori, le silence systématique génère une série d’effets pervers aux niveaux collectif et individuel.
Libérons-nous du mythe du risque prépondérant de fausse couche au premier trimestre. Que chacun soit libre de partager simplement la joyeuse nouvelle au moment où c’est pertinent pour lui.
Pour plus de contenus sur la grossesse et la parentalité, rendez-vous sur mon site dédié : devenirparent.fr !
Laisser un commentaire